lundi 8 mai 2017

Aux enthousiastes du Macronisme

Chers amis, d'abord félicitations! Gagner une présidentielle avec un mouvement né il n'y a même pas 2 ans, chapeau! Je m'adresse aussi une petit tape amicale sur dos vu que j'ai aidé concrètement à la manoeuvre.

Les félicitations de rigueur étant faites, regardons qui il y avait en face de Macron:

- Mélanchon: Trop grande gueule. Pas assez président. Rêve de grand soir et fait flipper les classes moyennes.
- Fillon: Ultra carbonisé. A perdu une élection imperdable. Ne tirons pas sur les ambulances.
- Hamon: Ultra trahi, et porteur officiel du bilan du PS. Pauvre lui.
- LePen: Ultra conne et presque aussi malhonnête que Fillon.

Pardonnez mon esprit chafouin, mais ne pas gagner dans des conditions pareilles, surtout face a Le Pen au deuxième tour, c'eu été fort maladroit (et ballot pour la république). Ce qui m'amène directement au sujet de mon inquiétude: le vote Le Pen.

2012 (Présidentielles): 6,421,426 voix
2012 (Legislatives): 3,528,373 voix (abstention record).
2014 (Européenes), vainqueurs avec 4 712 461 voix
2015 (Régionales): 6 820 447 voix
2017 (Présidentielle): 8,926,629 voix (2eme tour)

(source Wikipedia).
On va pas revenir plus loin, mais vous voyez ou je veux en venir. Il y a comme qui dirait une progression.
Regardez cette jolie infographie de mon beau département natal au premier tour: http://resultats-presidentielle-2017.lavoixdunord.fr/nord/?p=tour1 . Pour ceux qui n'ont pas l'internet, voici une capture d'écran:
Et pour ceux qui n'ont pas la couleur, ce n'est pas bien grave. Cette image marche aussi bien en noir et blanc. Pour les mal-comprenants qui n'auraient pas deviné, le noir c'est le FN.

Je vous laisse quelques minutes pour contempler cette image. Elle en dit long sur l'état de la France et de ses territoires comme on dit.
Mais zoomons un peu plus vers la riante bourgade ou j'ai grandi: Ferrière-La-Grande. Attention séquence souvenir.
Quand j'étais petit, je faisait le chemin entre chez moi et l'école à pied en passant par le parc au milieu de la ville appelé 'parc de la digue'. Pour rigoler je l'appelle 'central park' maintenant. Vu qu'il est au milieu. En réalité, c'est plutôt un terrain pas tout a fait vague mais presque. Pour une idée: c'est par ici.

Bref, toujours est-il que quand j'étais petit, le terrain en question était bordé d'usines. Avec des vrais gens qui travaillent dedans à faire des vrais trucs en métal. On appelait ça des ouvriers. Retenez bien ce mot les djeun's. Les ouvriers n'étaient pas super éduqués, ignoraient les bonnes manières et avaient les mains pleines de camboui ou autre substances inconnues du bourgeois (même socialiste). Ils gagnaient leur vie honnêtement en travaillant pour un gentil patron paternaliste et votaient socialiste ou communiste. Pour des gens qui en gros défendaient leur cause, quoique pour les socialistes on est pas sur, mais ca n'est pas le sujet.

En ces temps bénis, seuls les authentiques fachos et racistes votaient pour Le Pen. Par example en 1988, Le Pen faisait 4 376 742 voix au premier tour. Les biens pensants que nous sommes pouvaient alors se draper dans la morale et dire que voter Le Pen, c'est vilain (je résume hein).

La dernière fois que je suis passe au parc de la digue, c'était il y a quelques semaines, à la faveur d'une visite familiale et de quelques heures a tuer.

Il n'y a plus d'usines. Ou plutot plus d'activité. Les bâtiments sont toujours la. Par la fenêtre éventrée de l'un d'entre-eux pendouillait un abat jour d'ampoule d'usine. Ma tendre épouse me dit alors: "tiens ca rendrait super bien dans notre appart cet abat-jour". Effectivement. Pourquoi payer pour un abat jour de designer, lorsqu'un authentique objet vintage vous tend les bras? Malheureusement il était pendu trop haut. Puis nous nous sommes pris a rêver d'un autre monde à la Macron. Les usines désaffectées de Ferrière-La-Grande seraient reconverties en loft d'artistes, en open-space de start-up innovantes, en cafés vegan et en bars a céréales. Ce serait super chouette!

Puis nous sommes redescendus vers la dure réalité: Les ouvriers d'avant les fermetures ne sont pas super-calés en Ruby ou en marketing social et franchement les céréales, c'est pour les gosses. La dernière fois qu'ils se sont impliqués directement dans les start-ups innovantes, c'était pour acheter un smartphone Wiko à 59.99 Euros chez Carrefour-Market. Alors que va faire Macron pour ces gens? Quels sont les voies pour "vous réformer et aller vers de nouveaux metiers" pour un chomeur de 50 ans avec une famille et un emprunt sur le dos a Ferrière-La-Grande? En Marche, dans son programme prévoit de former 1 million de chômeurs de longue durée faiblement qualifiés. C'est bien mais que vont-il devenir ce million? Est ce les plus jeunes d'entre-eux vont quitter Ferrière et aller grossir les bataillons de locataires des villes à l'immobilier hors de prix? Que vont devenir les plus anciens? Accepteront-ils de devenir équipier chez MacDo pour éviter de perdre leurs allocations?

Macron et ses électeurs positifs malgré leurs bonnes intentions restent béatement admiratif du système économique et social qui précisement produit du vote d'extrème droite. On l'a vu en Pologne et en Hongrie: il n'a fallu que 25 ans d'économie de marché pour tomber dans les bras des populistes. C'est presque mécanique. Nos vieilles démocraties de marché ont encore des réflexes, et on ne peut que se réjouir que la France ne suivent pas la voie du Royaume-Uni ni des Etats-Unis. Mais pour combien de temps encore? Quand les digues électorales céderont-elles sous le poids du vote FN et de l'abstention? L'extrème centrisme est-il capable de changer la donne et de redonner simplement du réconfort aux électeurs du FN?

Je l'espère mais je suis pessimiste.